Le marché de la lutte contre les parasites est rationnel. Les entreprises qui le composent ne cherchent pas à se couper mutuellement l’herbe sous le pied en cassant les prix. En plus de leur conférer du pouvoir d’achat, les avantages d’échelle permettent à ces enseignes de s’afficher en haut des résultats de recherche dans Google, dans la région précise où l’internaute est en quête d’un spécialiste de la lutte contre les nuisibles. Cette dernière caractéristique est d’autant plus importante que dans ce genre de situation, la plupart des consommateurs veulent à tout prix être débarrassés du problème très rapidement – ce qui fait donc de l’extermination des nuisibles un secteur insensible au prix.
Pour voir une série de ces facteurs en action, je me suis rendu l’an passé à Pittsburgh, chez Terminix, la marque spécialisée dans la lutte contre les parasites sous laquelle Service Master opère aux États-Unis. Service Master dispose d’un oligopole rationnel, assorti d’une marque nationale forte que le consommateur reconnaît et en laquelle il a confiance.
La première maison dans laquelle nous nous sommes rendus appartenait à une personne déjà cliente pour des problèmes de souris. Quand vous l’appelez, Terminix vous propose en principe de régler à l’avance soit le prix normal, pour une unique visite, soit un prix réduit, en échange de la signature d’un contrat qui vous autorise à le solliciter d’année en année. Si vous vous engagez pour trois ans, chaque visite vous reviendra moins cher, puisque vous n’aurez plus à vous acquitter de l’indemnité forfaitaire liée à l’appel.
Les termites, par exemple, posent un énorme problème aux États-Unis. Pour s’en débarrasser, il est nécessaire de construire autour de la maison une barrière chimique qui doit être réalimentée chaque année, ce qui signifie, pour l’entreprise, un revenu récurrent non négligeable. Les firmes spécialisées tentent donc de proposer des contrats qui s’étendent sur plusieurs années, et qui offrent aux clients une tranquillité d’esprit qui les fidélise.
Le client suivant avait lui aussi un problème de souris. Le technicien de Terminix était habillé d’une salopette, alors que j’étais moi-même en costume-cravate, ce qui ne m’a pas empêché de le suivre au grenier, où j’ai vu les petits animaux se faufiler dans la couche d’isolation. Il m’a invité à récupérer un des pièges qui, évidemment, contenait une souris morte. Nous avons remplacé les pièges puis vérifié les alentours de la maison, pataugeant dans une neige qui n’a pas tardé à ruiner mes chaussures légères. L’homme était un excellent vendeur, parfaitement apte, de surcroît, à deviner où se cachaient les rongeurs.
De retour au siège social, mes hôtes m’ont expliqué l’évolution de la compagnie ces dernières années, ainsi que certaines des erreurs qu’avait commises la précédente direction. Elle avait par exemple tenté de contrôler les coûts en décentralisant le service téléphonique à la clientèle, ce qui lui avait fait perdre beaucoup de la touche personnelle qu’assuraient certaines des membres de l’ancienne équipe, toutes surnommées Mary. Priver la clientèle de ses Mary n’a pas fonctionné, car elle aime à s’entretenir avec des gens issus de sa propre communauté, bien plus qu’avec les illustres inconnus qui peuplent les centres d’appel situés à des milliers de kilomètres de chez elle.
La nouvelle direction a totalement abandonné la stratégie de réduction des dépenses, recommençant au contraire à investir. Conclusion : toute velléité de faire des économies a ses limites.