A l’aube de cette année 2022, les marchés émergents devraient pouvoir essentiellement compter sur la force motrice de fondamentaux solides. D’un point de vue top-down, l’évolution de la réglementation en Chine, les inquiétudes persistantes liées au Covid, le risque géopolitique et les pressions inflationnistes ont tous pesé sur le sentiment des investisseurs. Les opportunités que nous identifions dans toute la classe d’actifs continuent néanmoins de nous enthousiasmer.
S’agissant des relations entre les Etats-Unis et la Chine, il faut s’attendre à ce que l’administration Biden conserve une position inchangée, étant donné le soutien bipartisan dont bénéficie la politique de Washington à l’égard de Pékin, l’administration étant également susceptible de recueillir le soutien des pays alliés. Nous surveillons également les possibilités liées à l’évolution des tarifs commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine, alors que la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, étudie un assouplissement des droits de douane imposés par l’administration Trump afin d’atténuer les pressions inflationnistes.
Bien que l’optimisme lié aux vaccins ait alimenté la confiance des investisseurs à l’échelle mondiale, nous continuons de prévoir des difficultés au niveau de la distribution à court terme. Nous restons attentifs à l’ampleur des nouvelles vagues de contamination dans le monde, tout en tenant compte du risque de nouveaux variants. Parallèlement, les perspectives d’inflation restent une question essentielle pour les marchés tant émergents que développés, car les banques centrales pourraient commencer à modérer leurs politiques monétaires accommodantes.
Il faut reconnaître que les inquiétudes suscitées par le « tapering » de la Réserve fédérale américaine continuent d’affecter la confiance à l’égard des économies émergentes. En 2013, les « cinq fragiles » ont été identifiés comme étant les pays les plus à risque, du fait notamment de leurs importants déficits courants. Les esprits des investisseurs en sont restés marqués. Le concept des « cinq fragiles » est toutefois dépassé aujourd’hui et la Turquie semble être le seul pays vulnérable. Même en excluant la Chine, dont la balance courante est largement excédentaire, les économies émergentes présentent globalement un excédent courant. Cela ne signifie pas que le marché ne réagira pas aux inquiétudes liées au « tapering » de la Fed ni ne posera aucune question par la suite, mais plutôt que lorsqu’il finira par poser des questions, les réponses qu’il obtiendra seront bien plus satisfaisantes que par le passé. En termes d’investissement, nous profiterons de la réaction émotionnelle du marché pour renforcer notre exposition à certaines entreprises que nous prisons sur le long terme.
Les marchés émergents se libèrent de leur dépendance vis-à-vis de leurs homologues développés, comme en témoignent l’accroissement de la demande intérieure qui leur permet de mieux résister aux forces extérieures, le développement de marchés de la dette en devise locale et la stabilisation du différentiel de taux entre les Etats-Unis et les économies émergentes. Par conséquent, les points de friction ne sont pas les mêmes pour tous.
Nous accordons également beaucoup d’importance aux caractéristiques ESG (environnementales, sociales et de gouvernance), qui ne manqueront pas de monter encore puissance en 2022. Pour bien évaluer la qualité d’un investissement, il est essentiel de comprendre le degré d’efficacité de la gestion des risques ESG importants déployée par une entreprise. Notre approche de recherche ESG se concentre sur la bonne appréhension de l’exposition aux facteurs ayant un impact sur la performance par le biais de la réglementation, des menaces physiques sur les actifs, de la marque et de la réputation, et des coûts opérationnels, ainsi que sur la gestion de ces facteurs. Nous appliquons une approche « best-in-class » et évaluons les entreprises par rapport à leurs pairs.
Plus généralement, nous pensons que la principale tendance à long terme à l’oeuvre sur les marchés émergents réside dans la transition d’une croissance axée principalement sur les exportations au profit d’un développement fondé sur une demande intérieure florissante. Cette transition se reflète dans le changement de composition de l’univers, qui est désormais dominé par des sociétés de croissance structurelle de meilleure qualité et centrées sur leur marché intérieur. En 2008, l’univers était exposé à plus de 60% à la croissance cyclique ; aujourd’hui, une part d’environ 60% de cet univers est exposée à la croissance structurelle. En outre, le nombre d’entreprises arrivant sur le marché a augmenté de près de 90% au cours des dix dernières années. A nos yeux, la transformation de l’univers, tant en termes de profondeur que de qualité, est idéale pour les adeptes de la sélection des titres et c’est à ce niveau que nous pouvons apporter de la valeur ajoutée à la gestion active. Les investisseurs doivent désormais envisager les pays émergents sous un angle différent.
La création de richesses structurelles, la montée de la classe moyenne et les évolutions qui en découlent en matière de consommation et de services constituent pour nous la principale thématique. Ce constat nous amène à diverses tendances, notamment : la révolution technologique, avec l’émergence d’entreprises de plateformes dans divers secteurs verticaux (l’adoption de la technologie en général est généralement plus rapide dans les pays émergents, car les infrastructures n’y sont pas aussi développées et il est donc plus facile de commencer à utiliser le commerce électronique) ; la pénétration financière, où nous assistons à une augmentation de la participation traditionnelle mais aussi de l’inclusion, ainsi qu’à l’évolution de la fintech ; et la localisation, de nombreux pays s’attachant à créer des marques nationales fortes et à développer des filières domestiques.